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Dictionnaire Maitron : trois questions à Paul Boulland

mercredi 7 décembre 2016 par Pôle Histoire sociale (UNSA Éducation)

Un colloque international autour du dictionnaire Maitron [1] est organisé les 6 et 7 décembre (le programme est consultable ici http://maitron-en-ligne.univ-paris1...). Nous avons demandé à l’historien Paul Boulland, co-directeur du Maitron de nous en dire davantage sur cette grande œuvre d’histoire sociale (entretien réalisé par Benoît KERMOAL).

Pouvez en quelques mots nous expliquer ce qu’est le Maitron ?

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Paul Boulland, co-directeur du dictionnaire Maitron

Le Maitron est le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social, que l’usage désigne sous le nom de son créateur, Jean Maitron (voir sa biographie, consultable sur le site Maitron-en-ligne).
Jean Maitron (1910-1987) était un instituteur, devenu enseignant et chercheur à la Sorbonne, créateur notamment de la revue Le Mouvement social et du Centre d’histoire du syndicalisme (devenu aujourd’hui Centre d’histoire sociale du XXe siècle). C’était un spécialiste du mouvement anarchiste, auquel il avait consacré sa thèse [2].
Au milieu des années 1950, il eut l’idée, face aux nombreuses sollicitations de ses collègues, de créer un dictionnaire biographique des militants du mouvement ouvrier, dont le premier tome est paru aux Editions ouvrières en 1964. L’ambition du dictionnaire est de remettre en lumière les acteurs du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, en allant au-delà des figures les plus connues, en redonnant toute leur place « aux obscurs et aux sans-grade », selon une de ses célèbres formules. Pour réunir ces biographies, le Maitron s’appuie depuis les origines sur un très vaste réseau de correspondants, qui apportent leur connaissance des archives, d’un territoire, d’une organisation ou d’un milieu professionnel.
Le dictionnaire s’organise en cinq grandes périodes (1789-1864 ; 1864-1871 ; 1871-1914 ; 1914-1939 ; 1940-1968) et comporte désormais 76 volumes papier pour la France, auxquels s’ajoutent des dictionnaires « spécialisés » (sur les cheminots, les gaziers-électriciens, les anarchistes, le Val-de-Marne, les Fusillés de la Seconde guerre mondiale, etc.) ainsi qu’une collection internationale (Grande-Bretagne et Irlande, Allemagne, Chine, Japon, Algérie, Maroc, Autriche, Mouvement ouvrier francophone aux États-Unis, etc.).
Dans le Maitron, on retrouve les acteurs du mouvement ouvrier et social, en premier lieu les militants des organisations syndicales et des organisations politiques.Mais on croise aussi les militants de l’éducation populaire, des luttes anticoloniales ou de la Résistance, des intellectuels engagés aux côtés du mouvement social, ou encore des artistes (peintres, sculpteurs, acteurs, réalisateurs, chanteurs, etc.). En tout, 170 000 biographies sont ainsi disponibles à travers le site Maitron-en-ligne.

2) Quelle est la place des enseignants dans ce dictionnaire biographique ? Y-a-t-il des spécificités de l’engagement enseignant dans le mouvement ouvrier et social ?

Les enseignants occupent une place très importante dans le Maitron, à la hauteur de leur investissement, tout particulièrement au XXe siècle, dans les organisations syndicales et dans le mouvement social en général, mais aussi de leur investissement en politique, comme élus par exemple. Le site Maitron-en-ligne permet actuellement de naviguer parmi un corpus d’un peu plus de 9500 biographies. Cet ensemble réunit très majoritairement des enseignants (instituteurs, professeurs du secondaire et du supérieur) mais on y trouve également l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale ou des affaires culturelles, y compris les personnels des archives. On retrouve toute cette diversité dans le douzième et dernier tome de la période 1940-1968, qui vient de paraître, avec des syndicalistes enseignants comme Michel Veylit, René Teulade ou Jacques Ungerer, un des fondateurs de l’UNSA dans le Bas-Rhin, mais aussi la biographie de Roger Vernegeol, secrétaire général du syndicat national du personnel des Archives de France, affilié à la FEN [3].
Cette représentation est rendue possible par le travail spécifique d’une équipe d’auteurs, autour de Jacques Girault et de l’HIMASE (Association pour l’histoire des militants associatifs et syndicaux de l’éducation), qui coordonne les recherches, en collaboration avec l’ensemble des auteurs du Maitron.

3) Quels sont les projets dans l’avenir de l’équipe du Maitron ?

Nous sommes à un aboutissement, avec le tome 12 qui conclut la cinquième période (1940-1968), mais les projets de manquent pas pour l’avenir. Plusieurs sont déjà sur les rails, avec notamment de nouveaux dictionnaires « spécialisés » comme celui consacré aux ouvriers du livre, coordonnée par Marie-Cécile Bouju, ainsi qu’un important volume consacré à la Commune de Paris, sous la direction de Michel Cordillot, qui reviendra à la fois sur les acteurs, sur diverses thématiques et sur de grands enjeux historiographiques. D’autres chantiers déjà entamés vont se prolonger dans les années à venir, comme le Dictionnaire des Fusillés, exécutés et massacrés de la Seconde Guerre mondiale, qui fait d’ailleurs l’objet d’un site spécifique (http://maitron-fusilles-40-44.univ-...). La parution du dictionnaire papier avait marqué un premier aboutissement, avec l’intégralité des notices des fusillés après condamnation et comme otages, mais il reste à achever le recensement des exécutés sommaires et des victimes civiles.
Ces projets en cours incluent également la dimension internationale du Maitron, avec par exemple le dictionnaire consacré au mouvement ouvrier en Belgique ou encore le Dictionnaire des mobilisations et contestations africaines, qui sont déjà présents sur le site Maitron-en-ligne, ce dernier étant intégralement accessible. Nous avons également entamé la réflexion autour d’un dictionnaire des militants de la cause immigrée en France, de 1945 à nos jours.
Par ailleurs, nous allons bien sûr poursuivre notre récolte de biographies pour les périodes postérieures à 1968, et donc pour une sixième période du Maitron. Ce sera un chantier de longue haleine, car il faut retourner vers les archives, dont certaines encore inédites. Mais, c’est évidemment un travail indispensable, car l’histoire du syndicalisme, du mouvement ouvrier et du mouvement social, ne s’arrêtent pas en 1968. Au contraire, d’ailleurs, l’événement 1968 est en lui-même extrêmement important et constitue l’un des plus grands mouvements sociaux du XXe siècle, avec le grand nombre de jours de grèves. Il faudra donc revenir sur les acteurs de cette période et des années suivantes.
Mais l’une de nos préoccupations majeures pour les années à venir sera aussi de renforcer les outils numériques du Maitron. Aujourd’hui, le site Maitron-en-ligne est un instrument au potentiel formidable, qui doit nous permettre d’être en phase avec les pratiques nouvelles, notamment celle des jeunes générations, et de permettre à un large public de découvrir l’histoire sociale et ses acteurs. L’objectif sera notamment de permettre à ce public d’entrer plus facilement dans toute la richesse du Maitron, grâce à des contenus spécifiques, diversifiés et plus « pédagogiques ». Mais il s’agit aussi de s’adapter aux besoins des chercheurs, en offrant de nouvelles possibilités de recherche dans toute la matière du Maitron. L’un des outils que nous souhaitons développer à l’avenir est par exemple celui de la cartographie, pour permettre entre autres aux utilisateurs de naviguer dans les biographies, en fonction des régions ou des territoires qui les intéressent.

Ce vaste chantier du Maitron a donc une longue vie devant lui ! L’UNSA Éducation, via le Centre Henri-Aigueperse / UNSA Éducation, participe à l’élaboration des biographies liées au corpus des enseignants. Plus largement, l’UNSA Éducation, par sa participation au prix Maitron, soutient les initiatives de recherche en histoire du mouvement syndical enseignant et dans le domaine de l’histoire sociale.
Un compte-rendu du colloque sera publié très prochainement sur le site du CHA.
B. K.

Voir en ligne : Le Maitron en ligne

P.-S.

Chaque année a lieu la remise du prix Jean Maitron qui récompense un travail de recherche de Master (M1 ou M2) concernant, au sens large du terme, l’histoire sociale. Ce prix a été créé en 1989, sur l’initiative de la Fédération de l’Éducation Nationale (FEN, aujourd’hui UNSA Éducation), pour honorer la mémoire il est organisé en partenariat par le Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Paris 1), jadis fondé sous le nom de Centre d’histoire du syndicalisme par Jean Maitron, et par l’UNSA Éducation. Le jury du prix, que préside Antoine Prost, est composé à parité d’universitaires ou chercheurs et de syndicalistes.
Tradtionnellement, ce prix est remis lors des journées Maitron. Cette année, c’est à l’occasion du colloque international, mercredi 7 décembre 2016, qu’il sera reçu par Pauline Brangolo (prix Maitron 2016) pour son mémoire de M2 sur Les Filles de Lip (1968-1981). Trajectoires de salariées, mobilisations féminines et conflits sociaux (université Paris I, dir. Frank.Georgi, 2015).



Notes

[1Le « Maitron » est le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social.

[2NDÉ. Initialement publiée en 1954 chez SUDEL, la maison d’édition du Syndicat national des instituteurs.

[3Signalons la publication récente par L’Ours de Syndicalisme et Culture par notre ami Guy Putfin. Voir aussi, sur ce site, sa publication numérique Des archives et des hommes.

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