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Retour sur le prix Maitron 2016 (Pauline Brangolo, « les filles de Lip »)

lundi 4 décembre 2017 par Benoît Kermoal

Le prix Maitron 2017 sera remis le 6 décembre à Gullemette Prévot. Nous revenons ici sur le prix Maitron 2016 (Les filles de Lip) avec son auteure, Pauline Brangolo.

Le Prix Jean-Maitron 2017 a été attribué à Guillemette Prévot pour ses mémoires sous la direction de R. Campos : La fondation de la Chambre syndicale des artistes musiciens de Paris : entre idéologie et pragmatisme (1901-1903) et Musiciens d’orchestre en grève (1902-1906) (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris). Le prix sera remis à la fin de la journée Maitron qui aura lieu mercredi 6 décembre 2017 au centre Malher (Amphithéâtre Dupuis, 1er sous-sol) 9, rue Malher 75004 Paris (M° Saint-Paul).
Le programme de cette année est consultable http://maitron-en-ligne.univ-paris1....

Pour l’occasion, nous revenons sur le prix de l’année précédente, qui avait été attribué à Pauline Brangolo pour son mémoire de master « Les Filles de Lip (1968-1981). Trajectoires de salariées, mobilisations féminines et conflits sociaux », Université de Paris I, sous la direction de Franck Georgi. Nous avons interrogé l’auteure sur son travail, qui sera publié prochainement par le CHA Unsa Éducation.

Votre mémoire de master porte sur « Les filles de Lip (1968-1981). Trajectoires de salariées, mobilisations féminines et conflits sociaux ». Pouvez-vous nous résumer, même si c’est difficile, le contenu de votre recherche ?

Mes recherches partent d’une question simple : comment un événement (au sens fort du terme) comme le conflit des Lip a-t-il influencé les trajectoires individuelles, collectives, politiques et personnelles de femmes issues des milieux populaires, et anonymes pour la plupart ? Réciproquement, mon travail a consisté à me demander comment une mobilisation féminine de telle ampleur (environ 50% du personnel, soit plus de 600 femmes) a influencé ces grèves productives de 1973 et 1977.

Comme cela a été précisé lors de la journée Maitron [1], il était important pour moi d’appréhender un temps plus long que ce qui est habituellement envisagé lorsqu’il s’agit des Lip. Je me suis donc penchée sur la réalité du travail à l’usine ainsi que sur les mobilisations des Lip à partir de 1968 et jusqu’en 1981. Il faut ajouter à cela le contexte des « années 68 », mêlant des mobilisations et des répertoires d’actions réinventés et surtout des revendications féministes d’une nouvelle ampleur.

Le contenu de mon travail peut donc être résumé ainsi : un questionnement fort sur les « filles de Lip », un contexte effervescent que je viens de présenter et une nécessité de varier les échelles du national au local, du collectif à l’individuel, des commissions et groupes-femmes de l’usine au foyer.

Comment en arrive-t-on à travailler sur un tel sujet ?

Mon questionnement, lorsque j’ai commencé mon travail, était beaucoup plus restreint. Je cherchais à comprendre comment les féminismes étaient représentées et quelle était leur réception voire leur réappropriation au sein des milieux populaires. En effet, dès mon entrée à l’université en 2010, il m’a semblé que les mouvements féministes parisiens s’adressaient peu aux femmes issues des milieux populaires.

J’ai ensuite rencontré Michel Pigenet et Frank Georgi qui m’ont orientée vers une période de crise, essentielle pour envisager cette question. Les grèves productives bisontines sont apparues comme une évidence puisque Frank Georgi connaissait très bien le sujet grâce à son travail sur l’autogestion. Mes lectures, des échanges avec des universitaires spécialistes de l’histoire des femmes et du genre comme Michelle Zancarini-Fournel et Fanny Gallot, le travail d’archives et évidemment la rencontre des « filles de Lip » (Fatima Demougeot, Jeannine Pierre-Emile, Paule Jeanney et Noëlle Comte) et l’immense aide apportée par Fatima Demougeot m’ont ensuite permis d’élargir mon questionnement afin de coller au plus près des réalités de cette période.

Est-ce selon vous un travail d’histoire du genre ou davantage un travail d’histoire ouvrière ?

À mon sens, ce travail est justement au croisement de ces histoires et mon objectif était d’articuler les deux. Je suis une fervente tenante de ce qu’on appelle l’« intersectionnalité » pour envisager les formes de domination qui se sont transformées en revendications chez les Lip. En l’occurrence, seules les dimensions sociale et de genre ont été abordées, mais il pourrait être très intéressant de poursuivre en ce sens avec des questions raciales, notamment si l’on pense au parcours d’une des figures de proue du conflit, Fatima Demougeot, arrivée en France à l’âge de 13 ans.

Obtenir le prix Maitron cette année, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

J’ai tout d’abord été on ne peut plus surprise car ce prix, dont j’ai entendu parler maintes et maintes fois au cours de mon master, me paraissait inatteignable. Ensuite, je suis évidemment très heureuse et fière que mon travail ait été récompensé par un jury composé d’universitaires et de syndicalistes. Je n’ai pas choisi de faire de l’histoire sociale par hasard et le Maitron représente les raisons qui m’ont poussée à m’orienter dans ce domaine : considérer que l’histoire n’appartient ni ne découle que des dominants mais qu’elle est le fruit d’anonymes, de militant·e·s qu’ont été, que sont les filles de Lip. Par ailleurs, je suis heureuse que l’histoire du genre soit promue par un prix relevant de l’histoire ouvrière.

Enfin, pouvez-vous nous dire quels sont vos projets dans le domaine de la recherche ?

Jusqu’ici, je n’avais pas vraiment de projets dans le domaine de la recherche dans l’immédiat puisque je viens tout juste de commencer à enseigner l’histoire-géographie dans un collège de Seine Saint-Denis et que je me sens très épanouie. La remise du prix Maitron me permet d’envisager plus sérieusement un potentiel projet qui porterait obligatoirement sur les femmes des milieux populaires. Pour le moment, rien n’est clairement défini mais j’ai adoré réaliser ce travail sur les filles de Lip et je suis certaine que poursuivre dans ce sens en thèse serait très enrichissant.

Propos recueillis par Benoît Kermoal.


Notes

[1NDLR : journée Maitron de 2016.

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