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Michel Bouchareissas (1932-2013)

samedi 14 septembre 2013 par Luc Bentz

Pour une génération militante, il reste Boucha : le héraut — et le héros — du combat laïque, notamment dans la période 1981-1984, un combat dans lequel il avait mis toute son énergie, la force de convictions fortement affirmées, la vigueur de sa plume et, pour ceux qui avaient eu le bonheur de l’entendre, en meeting comme en congrès, ses dons exceptionnels d’orateur.

Michel Bouchareissas, né dans un milieu très modeste d’exploitants agricoles limousins, avait été admis à l’école normale d’instituteurs de Limoges après avoir suivi le cursus honorum prolétaire de l’époque : classe de certificat d’études, cours complémentaire, collège moderne.

Délégué normalien auprès de la section départementale du Syndicat national des instituteurs, (SNI) il y milita activement tout en poursuivant une carrière professionnelle comme professeur de collège. Militant remarqué par Pierre Desvalois [1], Michel Bouchareissas devient secrétaire général de la section de Haute-Vienne du SNI en 1963. En 1967, il entre à la Commission administrative nationale de la FEN en tant que suppléant dans la délégation du Syndicat national des instituteurs.

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Affiche pour une réunion sur l’Espagne présidée par Michel Bouchareissas (1965) [recherche Internet]

Militant remarqué pour son action en 1968, il entra simultanément au Bureau national et au Secrétariat permanent du SNI en 1969 où il faut successivement chargé des jeunes, de la vie interne (où il jouera un rôle éminent dans la structuration du courant majoritaire Unité-Indépendance-Démocratie du SNI) puis de l’École libératrice (responsabilité qu’il occupera deux fois) L’hebdomadaire du Syndicat qui tire alors à 300 000 exemplaires et dans lequel il publie des « notes d’humeur » à l’humour incisif appréciées des militants. 1969-1971 : c’est l’époque où arrivent au secrétariat national du SNI une génération nouvelle : André Henry et Jacques Pommatau, plus tard Yannick Simbron, futurs secrétaires généraux de la FEN ; Guy Georges, futur secrétaire général du SNI-PEGC. Avec Jacques Pommatau en particulier, Michel Bouchareissas noue des liens personnels très étroits qui dureront bien au-delà de leur période d’activité syndicale.

Suppléant à la CA nationale de la FEN en 1969, Michel Bouchareissas en devient titulaire et, à la faveur des modifications statutaires adoptées par le congrès d’Avignon de la FEN, intègre son Exécutif national en 1982.

En 1980, Michel Bouchareissas devint secrétaire général du Comité national d’action laïque (CNAL), responsabilité dont il eut la charge jusqu’en 1987. À partir de 1983, il est déchargé de la direction de l’École libératrice où le remplace Alain Chauvet.

Comme le précise la note biographique rédigée par Guy Le Néouannic pour le dictionnaire Maitron :

« L’élection en 1981 de François Mitterrand à la Présidence de la République et l’arrivée de la gauche au pouvoir en firent le porte-parole et l’animateur des multiples manifestations laïques dans la tourmente politique que déclencha le projet de « grand service public unifié et laïque de l’Éducation Nationale », proposition du programme du candidat à l’élection présidentielle, appuyée par le CNAL. Il fut l’un des organisateurs du meeting du CNAL du Bourget où Pierre Mauroy, premier ministre et Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale, prirent la parole avant lui. »

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Michel Bouchareissas, le 9 mai 1982 au Bourget
© Pascal LEBRUN avec son autorisation amicale.

En 1983, il est en concurrence avec Alain Chauvet pour succéder comme secrétaire général du SNI-PEGC à Guy Georges. Finalement, c’est Jean-Claude Barbarant qui devient secrétaire général du Syndicat. Michel Bouchareissas, à partir de 1985, reprend la direction de l’École libératrice tout en conservant le secrétariat général du CNAL.

En 1987, il cesse ses fonctions syndicales à l’occasion du congrès de Lille du SNI-PEGC. Le journaliste du Monde Philippe Bernard l’évoquait ainsi dans l’édition datée du 30 juin 1987 [2] :

« Cette évolution [sur le dossier laïque], déjà amorcée par le syndicat en 1985 après l’échec du projet Savary, a été symboliquement entérinée à Lille avec les adieux, le poing levé, de M. Bouchareissas, tribun de la laicité pendant toute la querelle scolaire, atteint, à cinquante-cinq ans, par l’âge de la retraite. En exhortant les 400 congressistes à « ne jamais se laisser noyer la mémoire », y compris à propos de la reculade de la gauche en 1984, et en citant Victor Hugo pour appeler les instituteurs à demeurer les gardiens de l’idéal laïque, M. Bouchareissas a offert, en fin de congrès, un moment d’émotion salué par un déluge d’acclamations, pour une fois unanimes. »

Dès 1988, Michel Bouchareissas est appelé au cabinet de Roger Bambuck. Nommé inspecteur général de la Jeunesse et des Sports, il assume cette fonction jusqu’en 1997. En 1992, il tient à adhérer au Syndicat des enseignants (SE-UNSA) et participe régulièrement aux activités du Centre Henri-Aigueperse ainsi qu’au jury du prix Maitron. Adhérent du Parti socialiste depuis les années cinquante, il y milite activement à partir de 1997, devenant délégué général de la fédération socialiste de Haute-Vienne et écrivant des billets d’humeur dans le Populaire du Centre. Toujours fervent défenseur de l’École publique — le combat d’une vie — il milite activement au sein des Délégués départementaux de l’Éducation national et devient même président de l’union départementale des DDEN de Haute-Vienne et membre du Bureau national de la Fédération des DDEN.

C’est Michel Bouchareissas qui prononça en 2002 l’éloge funèbre de son maître en syndicalisme, Pierre Desvalois, ancien secrétaire général du SNI. Frappé par la maladie qui, peu à peu, le tenait de plus en plus éloigné du monde, Michel Bouchareissas vient de disparaître à son tour. Et avec lui une grande page d’histoire syndicale.

... Et c’est André Henry, ancien secrétaire général de la FEN, qui, le 16 septembre 2013, prononça au nom de ses amis le discours d’adieu à Michel Bouchareissas (voir plus bas).

 L’Heure laïque

En 1967, Jean Cornec, président de la FCPE, avait publié Laïcité chez SUDEL. En 1982, Jean Cornec et Michel Bouchareissas publiaient L’Heure laïque (éd. Clancier Guénaud). Ce n’était pas qu’une version actualisée du précédent. Depuis 1967, malheureusement, il s’était passé tant de choses !

Les deux auteurs affirmaient dans leur conclusion, datée du 28 mars 1982 (un siècle avec l’adoption de la loi Jules-Ferry) :

« L’histoire de la laïcité est cette longue histoire des hommes qui, peu à peu, ont dégagé la dignité et la raison de ce qui les opprimait jusqu’à construire la démocratie politique et la République.

« Ils ont su le faire, du moins en France, malgré les puissances d’argent, malgré les féodalités spirituelles, malgré la colonisation des médias ; ils le feront encore parce que cette conquête de la liberté ne laisse pas de trêve et ne connaîtra pas de fin ; parce que la laïcité ne trie pas entre les êtres et les convictions ; parce qu’elle accepte leurs différences et parce qu’il y aura toujours, hélas, face à elle, des fanatismes, des idéologies obligatoires et des normalisateurs.

« La laïcité est bien, en cela, la forme supérieure de la pensée libre, l’éthique la plus jeune et la plus actuelle tout à la fois. Aucune dialectique ni aucun slogan ne pourront jamais gommer une évidence d’une telle dimension... »

  Archives INA

Quelques archives vidéo dans lesquelles apparaît Michel Bouchareissas sont accessibles sur le site de l’Institut national de l’Audiovisuel (INA).

Voir en ligne : Voir aussi la notice biographique sur le dictionnaire Maitron en ligne

P.-S.

Louis Astre, responsable du dossier laïque à la Fédération de l’Éducation nationale de 1969 à 1984, avait rédigé ce mot de condoléances à la famille qu’il nous a autorisés à reproduire.

En ces jours tristes, me revient le souvenir de cet après-midi de 1980 à la Maison des instituteurs rue de La Rochefoucauld [3], où, lors du départ à la retraite de Michel Lasserre [4], Clément Durand [5], Louis Desbordes [6] et moi, nous employâmes à vaincre l’ultime réticence de Boucha à briguer sa succession à la tête du CNAL.

C’était là scrupule de militant loyal et perfectionniste. À ce poste hautement politique, en ces circonstances particulièrement décisives et périlleuses pour la Cause laïque, Michel sut sans délai faire preuve de son extraordinaire talent et de sa ténacité dans la défense de la Laïcité.

En charge de la défense laïque au titre de la FEN jusqu’en juillet 1984, me revient aussi le vif souvenir de notre étroite et confiante coopération durant ces quatre années ou il sut être le brillant champion de l’École Publique et des valeurs de la République.

Je voulais vous le dire.

Louis Astre
15 septembre 2013

Vous pouvez également télécharger ci-dessous (format PDF) le discours d’adieu à Michel Bouchareissas prononcé lors de ses obsèques aux Cars (87), le 16 septembre 2013, par André Henry, ancien secrétaire national du SNI (1969-1974), ancien secrétaire général de la FEN (1974-1981).

Documents joints


Notes

[1Pierre Desvalois sera notamment secrétaire général du SNI de 1962 à 1967).

[2« Le congrès du SNI à Lille : un projet d’École global », article de Philippe Bernard, Le Monde, édition du 30 juin 1987.

[3La « Maison des instituteurs », rue La Rochefoucauld, Paris IXe, appartenait au Syndicat national des instituteurs. Il y tenait traditionnellement, jusqu’en 1992, son Bureau national et les réunions de ses commissions nationales.

[4Michel Lasserre prenait sa retraite. Il était alors secrétaire national du SNI chargé du dossier laïque et secrétaire général du CNAL (Comité national d’action laïque).

[5Prédécesseur « historique » de Michel Lasserre, il était alors secrétaire général de la Jeunesse au Plein Air.

[6Louis Desbordes était secrétaire général de la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves (FCPE), dite souvent alors « Fédération Cornec » du nom de son président.

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