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Marcel Peytavi (1936-2014)

samedi 29 mars 2014 par Luc Bentz

Professeur de lettres classiques, militant du SNES impliqué dans la tendance Unité & Action, Marcel Peytavi devient chef d’établissement en 1985, notamment au lycée Joffre de Montpellier jusqu’à sa retraite (1989-1999). Secrétaire général du SNPDEN de 1992 à 1996, il joue un rôle majeur dans la reconnaissance des personnels de direction en organisant notamment leur première manifestation publique d’envergure en 1994 (6000 participants). Homme engagé, ce militant politique — longtemps militant communiste —, syndical et associatif affichait des convictions aussi fortes que sa personnalité. Il est décède en février 2014 alors qu’il est candidat à sa succession comme maire de Latour-de-Carol.

 Un étudiant puis un jeune professeur engagé

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Marcel Peytavi dans les années 2010 (photo SNPDEN-UNSA).

Fils d’un petit viticulteur des Pyrénées-orientales, Marcel Peytavi naît le 3 novembre 1936 à Perpignan. Exclu pour « mauvais esprit » de l’hypokhâgne du lycée Joffre de Montpellier... qu’il dirigera en fin de carrière, il poursuit ses études à la faculté des lettres de Montpellier où il étudie en lettres classiques jusqu’au diplôme d’études supérieures [1]. De 1955 à 1958, il milite à l’UNEF de la faculté des lettres de Montpellier et adhère à l’Union des étudiants communistes en 1958.

Admis aux IPES [2] en 1957, Marcel Peytavi adhère au SNES. Il est reçu au CAPES en 1958. En 1959, Peytavi il est nommé, après son stage au Centre pédagogique régional (CPR) à nommé à Bellac (Haute-Vienne). C’est là qu’il adhère en 1960 au Parti communiste, alors qu’il a eu antérieurement des sympathies pour le PSU ou la nouvelle gauche, « parce qu’il que seul le PCF, dans la Haute-Vienne, luttait contre la guerre d’Algérie » [3].

De novembre 1962 à février ou avril 1964, il accomplit son service militaire qu’il achève comme sous-lieutenant. En 1964, il obtient sa mutation au lycée Paul-Sabatier de Carcassonne (Aude), avant de réussir à l’agrégation de lettres classiques en 1966.

 Une rupture progressive, mais inéluctable, avec le PCF

À Bellac, il avait été secrétaire de la section d’établissement (S1) du SNES ; à Carcassonne, il est membre de son bureau. De 1969 à 1974, il est « par défaut » secrétaire de la section départementale FEN pourtant majoritairement UID. Parallèlement il milite au PCF comme secrétaire de la cellule du lycée, membre du bureau de la section communiste de Carcassonne et du comité fédéral de l’Aude (1965-1980) et même, de 1978 à 1980, comme président de l’association départementale des élus communistes et républicain (il est, depuis 1977, adjoint aux finances et au développement économique à la mairie de Carcassonne, élu sur une liste d’union de la gauche).

En 1970, il suit même les cours de l’école centrale d’un mois du PCF. Mais, dans cet engagement, il conserve toujours sa liberté d’esprit et d’expression, notamment depuis l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie en 1968.

Comme l’indique André Balent, qui le cite au passage, dans sa biographie du Maitron : « Avec le temps, il en vint à mettre en cause, simultanément, le centralisme démocratique tel qu’il était pratiqué et “le caractère religieux de la soumission à l’Union soviétique”. »

En 1980, contestant à la fois ce qu’il estime être une conception « étriquée » de la classe ouvrière et surtout, après l’intervention russe en Afghanistan et les évènement de Pologne, l’alignement du PCF sur l’URSS de Brejnev (il refuse en particulier de voter un texte sur le « bilan globalement positif » de l’URSS), il quitte publiquement le Parti communiste.

Après sa rupture avait le PCF, Marcel Peytavi est candidat à Carcassonne aux élections municipales de 1983 à la tête d’une liste indépendante (communistes dissidents, militants PSU, catholiques de gauche),qui avait affronté la droite, mais aussi deux autres listes de gauche. Il est réélu conseiller municipal mais mesure rapidement « l’impuissance des minorités face à la majorité dans une telle assemblée » [4].

Dans la même période, il est actif au plan associatif, que ce soit à l’association départementale des Pupilles de l’École publique, à la fédération des Œuvres laïques de l’Aude ou comme président-fondateur du restaurant inter-administratif de Carcassonne qui sert jusqu’à 2000 repas par jour.

Il devient proviseur du lycée de Clermont-l’Hérault (Hérault) de 1985 à 1989 et rejoint donc le syndicat FEN des chefs d’établissement du second degré, le SNPDES. L’établissement, dont les effectifs sont passés de 1800 à 240 élèves à la suite de la création d’un collège, est en perte de vitesse au point d’être menacé de fermeture. Marcel Peytavi redresse la situation en en faisant remonter les effectifs à 760 et en améliorant les résultats au baccalauréat.

Il obtient alors sa mutation pour le lycée Joffre de Montpellier, premier de France par ses effectifs (3000 élèves, dont 1000 en classes préparatoires). Belle revanche pour l’ancien élève d’hypokhâgne qui en avait été exclu pour « mauvais esprit » quelque trente-cinq ans auparavant ! Marcel Peytavi aura été proviseur du lycée Joffre pendant dix ans, jusqu’à son départ à la retraite en 1999.

 Le premier secrétaire général du nouveau SNPDEN

En 1992, à l’occasion du congrès fondateur du SNPDEN (Clermont-Ferrand, 8-11 avril 1992), Marcel Peytavi devient le premier secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN) qui résulte de la fusion de deux syndicats de la FEN :

  • le SNPDES (Syndicat national des personnels de l’enseignement secondaire) qui regroupe les personnels de direction des lycées généraux et techniques que dirige Edmond Benayoun ;
  • le SNPDLP (Syndicat national des proviseurs de lycée professionnel) que dirige Michel Hory.

La scission de la FEN en 1992 a des répercussions sur le nouveau syndicat unifié, non organisé en tendances, qui s’est opposé à la radiation du SNES et du SNEP. Après qu’un référendum interne (printemps 1993) dégage une majorité de voix pour le maintien à la FEN (63%). Marcel Peytavi continue à afficher une opinion contraire. Il présente un texte en ce sens au Bureau national qui ne recueille que 8 voix sur 25. Il démissionne ; le Bureau national porte alors Robert Bourgeois, représentant des retraités, au secrétariat général d’août à décembre 1992.

Une nouvelle élection interne anticipée (le terme normal du mandat était février 1994) est alors organisée où s’opposent deux listes. Le Conseil syndical national vote majoritairement pour celle que conduit Marcel Peytavi et à laquelle s’oppose une liste conduite par Pierre Bousquet, mais avec une majorité relativement serrée (53,7%, 46,3%) l’emporte. Chez les militants, de quelque « côté » qu’ils se sentent éventuellement proches, prévaut le souci de préserver, avec l’unité du syndicat celle d’un corps dont l’identité professionnelle est en construction et la reconnaissance du rôle un enjeu majeur.

Au congrès de Poitiers du SNPDEN (mai 1994), comme l’écrit Philippe Tournier :

« C’est finalement une liste “d’union” intégrant des membres en vue de la liste de Pierre Bousquet qui est conduite par Marcel Peytavi. C’est alors la recherche conjointe d’une solution de compromis original qui est recherchée pour la question fédérale, celle de la double affiliation qui fut très sérieusement étudiée, y compris dans ses aspects les plus pratiques. Acceptée (à vrai dire un peu sous la contrainte) par une FEN entre-temps devenue l’UNSA Éducation, cette voie qui aurait peut-être été novatrice et prometteuse pour le syndicalisme français fragmenté échoua à la suite du refus de la FSU de donner une réponse.
« La grande manifestation de novembre 1994 contribua à tourner la page comme la rapide obsolescence des débats de 1992 et l’arrivée de Jean-Paul Roux à la tête de l’UNSA Éducation. » [5]

On ne saurait, avec le recul, exagérer l’importance des effets « collatéraux » du conflit lié à l’éclatement de la FEN parce qu’il est resté — qu’il eût pu être autre chose relève de l’hypothèse... d’école ou du syndicalisme-fiction — une péripétie conjoncturelle. Le congrès de mai 1994 avait été une occasion de dépassement ; les problèmes nouveaux auxquels étaient confrontés les chefs d’établissement (mises en cause pénales à la suite d’accidents, qui avaient touché également des gestionnaires ; problématique — déjà — des signes distinctifs religieux avec des affaires de « foulard »). Il organise notamment une manifestation extraordinaire le 27 novembre 1994 (6 000 personnes soit la moitié des personnels de direction dans la rue) sur les conditions d’exercice du métier, les responsabilités, mais aussi sa reconnaissance suite à l’affaire du « panneau de basket » à Saint-Denis.

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Hommage du SNPDEN à Marcel Peytavi (mars 2014)

En 1996, Marcel Peytavi quitte son mandat de secrétaire général où lui succède Jean-Jacques Roméro, élu sur sa liste en 1993, et qui assumait jusqu’alors la fonction de trésorier du syndicat national. Sur son action au sein du syndicat, c’est un hommage collectif que lui ont rendu les anciens secrétaires généraux du SNPDEN, soulignant l’importance de son action dans la reconnaissance des personnels de direction (revue Direction, mars 2014).

 Un militant indépendant dans la vie politique locale

En 1998, Marcel Peytavi est candidat aux élections régionales dans l’Hérault. Cette candidature était provoquée par un mouvement d’humeur contre Georges Frêche, maire de Montpellier, qui ambitionnait déjà de s’emparer du conseil régional. Marcel Peytavi, en lutte ouverte avec ce grand élu qui avait tendance à considérer les chefs d’établissement comme ses subordonnés, veut le faire battre. Avec un peu plus de 6% des voix à Montpellier et 3 % dans le reste du département, il atteint son objectif : à gauche, on lui reproche d’avoir facilité la reconduction de l’l’UDF Jacques Blanc qui la dirige avec l’appui du Front national.

En 1995 et en 2001, il est élu adjoint au maire de Latour-de-Carol (Pyrénées-Orientales), village cerdan que son épouse lui a fait connaître. Il y prend sa retraite en 1999. En mars 2008, il en devient maire après avoir pris en charge, dès 2006, le SIVOM [6] de la vallée du Carol. Il cumule alors les deux fonctions, ainsi que celle de de vice-président de la communauté de communes « Pyrénées-Cerdagne » chargé des finances, de président du Syndicat intercommunal scolaire de Cerdagne. En dépit de certaines oppositions locales, Marcel Peytavi décide en janvier 2014 de briguer un nouveau mandat municipal mais le 21 février 2014, en début de soirée, il succombe à un infarctus [7].

Marcel Peytavi a traversé tous les orages, toutes les tempêtes que la gauche politique ou le syndicalisme ont traversés depuis le milieu des années cinquante. Ses engagements ont été multiples, intenses, complexes parfois, mais marqués par la fidélité à l’anticolonialisme ou à la recherche de la justice sociale de sa jeunesse — comme l’a été aussi, dans le cadre syndical, associatif ou municipal, sa volonté d’agir sur le concret.

Luc BENTZ

Sources :

  • Hommage rendu à Marcel Peytavi par les anciens secrétaires généraux du SNPDEN (Philippe TOURNIER, secrétaire général actuel, Robert BOURGEOIS (1993), Jean-Jacques ROMERO (1996-2002), Philippe GUITTET (2002-2009).

Voir aussi l’article sur le site de l’Himase.


Notes

[1Le diplôme d’études supérieures prolongeait la licence et permettait soit d’envisager la préparation d’une thèse de doctorat soit de se présenter à l’agrégation. Au début des années soixante, le DES a disparu lors de la mise en place de la maîtrise qui a elle-même depuis fait place au master).

[2Instituts de préparation à l’enseignement secondaire.Les lauréats des concours des IPES étaient « élèves professeurs » rémunérés comme étudiants et dispensés des épreuves d’admissibilité du CAPES.

[3Notice biographique d’André Balent dans le dictionnnaire Maitron.

[4Notice biographique d’André Balent dans le dictionnaire Maitron.

[5« L’éclatement de la FEN et le SNPDEN », Philippe Tournier, in supplément au numéro 198 de la revue Direction, p. 22 : « Le SNPDEN a vingt ans » (mai 2012).

[6SIVOM : syndicat intercommunal à vocation multiple.

[7La liste qu’aurait dû conduire Marcel Peytavi a été réélue à une très large majorité.

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