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Pierre Gros (1932-2014)

jeudi 21 août 2014 par Luc Bentz

Pierre Gros (12 juin 1932-12 juin 2014), professeur d’histoire (certifié puis agrégé) dans l’enseignement technique fut pendant près de trente ans membres des instances nationales du SNET puis du SNES au titre d’UID (autonomes, UID ou UIDR selon l’époque) mais aussi de celles de la FEN dont il fut longtemps secrétaire départemental pour le Gard (1970-1992). Il s’était fortement impliqué dans le mouvement consommateur à la fin de sa carrière et pendant sa retraite.

Fils d’un voyageur de commerce devenu cadre commercial dans la firme Saint-Gobain, d’opinion gaulliste, syndiqué d’abord à la CGT puis à la CGC, et d’une mère sans profession, Pierre Gros reconnaissait avoir été influencé pour son engagement militant par son grand-père maternel, d’origine corrézienne, syndicaliste aux PTT, socialiste et franc-maçon (Grand Orient de France). Plus tard, il fut fortement influencé par le protestantisme cévenol (traditions, culture, histoire, etc.).

Bachelier en philosophie en 1952 , il entama des études supérieures à la Faculté des Lettres de Montpellier, puis, après sa propédeutique (certificat d’études littéraires générales), il monta à Paris où il effectua une première année à Sciences Po (IEP Paris). Il bifurqua vers une licence d’histoire-géographie (mention histoire) à la Sorbonne qu’il termina en 1958. Au cours de cette période, il dut exercer des petits boulots variés et rencontra beaucoup de monde, au Groupe des étudiants en Histoire et à la Cité universitaire du boulevard Jourdan de Paris puis à celle d’Antony et commença à militer. D’abord sympathisant du Parti communiste français, membre de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF) [1], il fut ensuite membre des Jeunesses mendésistes et surtout militant anticolonialiste : il partagea avec Claude Quin la présidence de l’association des étudiants anticolonialistes de la Cité universitaire internationale, se lia avec Ahmed Ben Taleb, président de l’UGEMA qui lança en 1956 la grève des étudiants musulmans algériens. C’est également au cours de cette période qu’il rencontra Janine Monnot, étudiante puis professeur d’histoire, qu’il épousa le 24 avril 1957. De 1958 à 1960, Pierre Gros effectua son service militaire au 23e régiment d’infanterie en Algérie puis en France ; sergent, il fut cassé pour indiscipline et muté au 22e bataillon de chasseurs alpins à Nice.

Gros enseigna comme maître auxiliaire au lycée technique Dhuoda de Nîmes. Devenu adjoint d’enseignement, il fut reçu au CAPET en 1963. Affecté comme professeur certifié au lycée technique d’Alès à la rentrée suivante, déchargé de service à temps partiel à titre syndical de 1967 à 1992, il ne devait plus quitter cet établissement, où il prit sa retraite en 1994, promu par liste d’aptitude dans les corps des agrégés en 1992.

Syndiqué dès le début de sa carrière au Syndicat national de l’enseignement technique (SNET), Gros participa au congrès national de 1961, où il fit la connaissance de Louis Astre, tout nouveau secrétaire général. Ce dernier l’engagea dans le militantisme syndical ; une longue amitié, non sans désaccords entre ces deux fortes personnalités, fut dès lors scellée. Pierre Gros devint secrétaire départemental du Gard, secrétaire adjoint de la section académique. Il entra à la commission administrative nationale comme suppléant en 1963, puis titulaire en 1964 sur la liste « autonome » puis, en 1966, lors de la création du nouveau SNES [2], dont Astre fut le premier co-secrétaire général, fit partie de la CA nationale au titre du SNET et de la majorité autonome. Il devait en rester membre jusqu’en 1992, dans la minorité « Indépendance et Démocratie », puis « Unité, Indépendance, Démocratie » et enfin UID-Rénovation.

Membre du Bureau national de 1967 à 1991, siégeant à la commission des conflits, il fit la jonction entre les périodes où se succédèrent comme leader national du courant UID, Louis Astre et Jacques Estienne, et fut une sorte de cheville ouvrière de cette tendance dans le SNES durant une vingtaine d’années, responsable du fichier et de la constitution des listes au plan national et dans les académies. Personnalité à la jovialité méditerranéenne, militant reconnu et respecté par tous, tant dans son syndicat que sa fédération, il fut sollicité à plusieurs reprises par Astre puis par les secrétaires généraux de la FEN (James Marangé puis André Henry, qu’il rencontrait régulièrement) pour prendre des responsabilités au niveau national mais il refusa toujours, préférant se consacrer au militantisme dans sa région à laquelle il était très attaché, tout en étant membre de la CA fédérale puis du Conseil fédéral national de 1972 à 1992.

Son appartenance au Grand Orient de France à partir de 1965, la sincérité de son militantisme, son sens du contact humain lui permirent de tisser un réseau de relations y compris avec ses adversaires. Proche du Parti socialiste unifié à la fin des années 1960, partisan de l’union de la gauche, Gros fut élu en 1965 premier adjoint à la municipalité de Saint-Christol-lez-Alès, dirigée par un maire communiste, et participa, à partir de 1966 avec André Liron (précédemment secrétaire académique du SNET), à la direction hétérogène de la section académique du SNES dont Pierre Antonini, alors militant du PSU, était le secrétaire général de la liste B puis « Unité et Action » depuis 1957. Une longue amitié, elle aussi non dénuée de conflits, liait les deux militants. En 1967, à la suite du décès du maire de sa commune, ses camarades communistes mirent comme condition à son accession à la tête de la municipalité son adhésion au PCF pour qu’il lui succède à la tête de la municipalité. Il refusa ; la campagne de dénigrement qu’ils menèrent contre lui le blessa et dès lors, il mena le combat politique, non seulement contre la droite mais aussi pour réduire l’influence communiste, y compris dans le SNES, où la majorité venait d’être conquise par « Unité et Action », et dans la FEN.

En 1971, Gros adhéra au Parti socialiste, comme Pierre Antonini deux ans plus tard, mais rompit définitivement avec lui pour la cogestion de la section académique (S3) de Montpellier du SNES ; cependant les listes académiques UID puis UIDR qu’il constitua ne réussirent jamais à mettre en péril la majorité Unité et Action de son camarade de parti.

En revanche, Gros s’attacha à la reconquête de quatre sections départementales de la FEN sur cinq de la région Languedoc-Roussillon, dirigées par des militants « Unité et Action », mission confiée par Marangé à Michel Bélorgeot (SNES), Georges Frêche (SNESup) et lui-même, lors d’une réunion de militants autonomes près de Montpellier. Les deux premiers ayant embrassé une carrière politique, il continua de mener à bien la mission avec le concours des militants UID du SNI. Secrétaire départemental adjoint de la section du Gard à partir de 1963, il succéda à Roger Bourderon et Gautier (militants communistes) à sa tête en 1970 et devait en rester secrétaire jusqu’en 1992.

À la suite de la prise de la direction de la section de l’Aude, dont le secrétaire, Marcel Peytavi] [3], était « Unité et Action », il contesta à Antonini, qui cumulait le secrétariat académique du SNES et le secrétariat départemental de la FEN de l’Hérault qu’il avait perdu et retrouvé à deux reprises après 1968, la responsabilité de coordonnateur régional fédéral. Ce dernier dut accepter en 1975 que Gros assume cette responsabilité et siège au Conseil économique et social régional et il perdit d’ailleurs la direction de la FEN de l’Hérault en 1976. L’année suivante, la section départementale de la FEN des Pyrénées-Orientales, la dernière de la région à être dirigée par un militant « Unité et Action », rejoignit la majorité.

Pierre Gros conserva la coordination régionale de la FEN jusqu’en 1982 et eut l’occasion de mener les actions fédérales et de faire participer la fédération à diverses actions unitaires, notamment la grève de soutien aux viticulteurs du Languedoc-Roussillon en 1976, malgré l’opposition de Maguy Espaze (secrétaire départementale du SNI-PEGC) qui approuva en revanche la grève de soutien aux mineurs d’Alès en 1980. De façon générale, ses relations avec les militants du SNI dans l’académie furent cordiales et amicales. S’il entretenait de très bons rapports avec André Ouliac, qui eut une certaine influence sur son militantisme [4], ce ne fut pas toujours le cas avec son successeur à la tête du SNI national, Guy Georges. Pierre Gros, fondateur avec ce dernier d’École et Socialisme, principal animateur dans sa région de cette association interne au Parti socialiste, rivale de Démocratie et Université, veilla toujours à ce qu’elle ne soit pas un outil de simple propagande du projet de l’« École fondamentale » du syndicat des instituteurs. C’est Pierre Gros qui assura le première formation syndicale d’Hervé Baro, futur secrétaire général du SE-UNSA puis de l’UNSA Fonction publique, alors que, tout jeune maître auxiliaire en sciences physiques, il l’intégra à l’équipe académique UID et le fit notamment élire à la CA académique du SNES [5].

En 1981, il fut chargé officieusement par la FEN d’assurer une liaison avec certains élus du PS, notamment dans une commission chargée de préparer le projet de loi sur les langues et cultures régionales.

Avec les lois de décentralisation de 1982, Gros s’investit un peu plus dans le Conseil économique et social régional où il avait obtenu la confiance du président Philippe Lamour et occupa une vice-présidence et la responsabilité de président de la section Éducation, Sports et Culture jusqu’en 1993.

En 1992-1993, à la suite de l’exclusion du SNES et du SNEP de la FEN, Pierre Gros opta pour l’adhésion au Syndicat des Enseignants (SE), mais, arrivant à la limite d’âge syndicale traditionnellement pratiquée au SNI et à la FEN (abandon des responsabilités syndicales dès qu’on était en mesure d’obtenir une retraite sur demande, il fut amené, sur l’insistance de Jean-Louis Biot, alors secrétaire départemental du SE attaché comme sa section à la « règle couperet » traditionnelle [6], à passer le relais [7]. Il n’exerça pas, au sein du SE (SE-FEN dénommé depuis SE-UNSA) de responsabilités qu’il n’avaient pas demandées. Selon le témoignage de Jean-Louis Biot : « De nos discussions de l’époque, j’ai le souvenir que son objectif principal était avec quelques autres, disait-il, de convaincre ses camarades de tendance de quitter le SNES pour adhérer au tout jeune SE. »

Pierre Gros retrouva donc un service complet d’enseignement durant les deux dernières années de sa carrière professionnelle.

Pierre Gros, président de l’Association d’éducation et d’information du consommateur-FEN (ADEIC) dans son département depuis le début des années 1980, s’investit alors un peu plus dans ce type de militantisme associatif et devint président de 1994 à 1997 d’un Centre technique régional de consommation où se retrouvaient toutes les associations de consommateurs d’origine syndicale. Lors de son décès, il était président d’honneur de l’ADEIC Languedoc-Roussillon.

Cet engagement complétait ses autres militantismes anciens à l’Union rationaliste, à la Ligue des droits de l’Homme, à Amnesty International et, depuis sa prise de retraite, à la Fédération générale des retraités et à l’Union des délégués de l’Éducation nationale.

Au plan politique, Pierre Gros, qui avait été membre de la commission exécutive départementale du PS en 1973 et en avait démissionné en 1979 pour se consacrer à son travail syndical, militait toujours dans son parti, assumant la fonction de trésorier de la section de Saint-Christol.

Progressivement handicapé par une maladie pulmonaire, Pierre Gros présidait une Association pour la poursuite de la réhabilitation respiratoire et apportait son concours à la rédaction de notices biographiques pour le nouveau Maitron. Il adhérait à l’Association Maitron Languedoc-Roussillon. Décédé le 12 juin 2014, ses obsèques eurent lieu le 18 juin.

Sources :

  • notice biographique du Dictionnaire Maitron établie par Alain Dalançon ;
  • éléments recueillis auprès de Jean-Louis Biot (qui, après Maguy Espaze, fut secrétaire de la section du SNI-PEGC puis du SE du Gard de 1985 à 1995 avant d’intégrer le secrétariat national du SE-UNSA..

Le bulletin de l’ADEIC Languedoc Roussillon de juin-juillet 2014 contenait cet hommage de Jean-Marie Chouleur :

DÉCÈS DE PIERRE GROS

Vendredi 13 juin, Janine son épouse m’a appris que Pierre était décédé la veille dans une maison de repos. C’est une grande perte pour l’Adéic car, Président d’Honneur de notre association bien que très diminué par la maladie, il prenait toujours avec grand plaisir des nouvelles de la bonne marche de notre l’association dont il avait été le fondateur.

Secrétaire départemental de la Fédération de l’Éducation Nationale pour le Gard, il allait souvent à Paris, et dès 1984, il m’avait contacté pour prendre la place de
correspondant de l’Adéic. En 1985, ayant des facilités pour lancer des initiatives dans mon lycée professionnel, avec son aval, j’ai organisé de nombreux colloques, tables
rondes, dîners débats. Pierre, coordonnateur principal prenait grand plaisir à jouer les
« maîtres Jacques » entre restaurateurs, agriculteurs, artisans, la DDCCRF, voire même les représentants de MONSANTO.

Nous étions reconnus avant même que l’Adéic-FEN ne lance les associations
départementales. Pierre est devenu en 1989, Président du CTRC Languedoc-Roussillon, dans une période critique pour le Centre Technique, représentant le CTRC au Conseil Régional Économique et Social, il a toujours défendu nos idéaux laïques.

À l’approche des années 2000, fatigué il est devenu notre Président d’honneur. Mais je le voyais s’affaiblir à chacune de nos rencontres, même si avec un certain humour, il était obligé de traîner avec lui une bouteille d’oxygène. Jusqu’à sa fin, j’ai eu toujours
grand plaisir de converser avec lui, mais au bout de dix minutes, il fallait se dire au revoir, il perdait son souffle. Passionné, par son parcours d’enseignant d’histoire, la lecture restait un de ses derniers plaisirs.

Pierre, tu as eu beaucoup de courage de survivre jusqu’à 82 ans soutenu par Jeannine, à qui, au nom de l’Adéic Languedoc-Roussillon, je transmets notre
grande peine pour ton départ.

Jean-Marie Chouleur


Notes

[1Appellation des Jeunesses communistes à l’époque.

[2Le nouveau SNES résulte de la fusion du « SNES classique et moderne » et du SNET qui ne comprenait que les lycées techniques. L’enseignement professionnel sous ses diverses appellations (CET, LEP, LP) continua à relever du SNETAA.

[3Futur secrétaire général du SNPDEN.

[4André Ouliac était voisin : avant d’intégrer le Secrétariat permanent du SNI, il était secrétaire départemental du SNI de l’Aude.

[5Par la suite, Hervé Baro intégra le corps des PEGC de l’académie de Montpellier et son activité syndicale se poursuivit au sein du SNI-PEGC.

[6Sur la « règle couperet », voir cet article.

[7La question de qui se posa ensuite. La décision de pourvoir au remplacer de Pierre Gros étant prise, Roseline Vivès fut sollicitée par l’équipe départementale.

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