Centre Henri-Aigueperse UNSA Éducation

Centre Henri-Aigueperse
UNSA Éducation
Fondé sous l’appellation de Centre d’Histoire sociale, de Recherche, de Formation et de Documentation de la Fédération de l’Éducation nationale (CHSRFD-FEN)
Site de l'UNSA Éducation

Accueil > Histoire sociale et syndicale > Histoire de la Fédération > Thématique 4 : le combat pour les libertés > L’affaire Pliouchtch et la FEN (1975-1976) > L’affaire Pliouchtch et la FEN

L’affaire Pliouchtch et la FEN

lundi 8 juin 2015 par Guy Putfin, Luc Bentz

Mathématicien soviétique dissident, interné dans un hôpital psychiatrique par le régime communiste, Leonide Pliouchtch fut libéré à la suite d’une intense campagne internationale menée sur l’initiative du « Comité des mathématiciens » qu’appuya la FEN (aujourd’hui UNSA Éducation). C’est le Syndicat national des instituteurs qui avec cette dernière, assura pendant deux ans la prise en charge de l’exilé politique à Paris, comme le relate une note que Louis Astre, alors secrétaire fédéral chargé des droits et libertés, nous a communiquée — et qui a été le point de départ de la rédaction de cet article. L’auteur nous ayant invités « à en faire le meilleur usage », nous la mettons donc à disposition.

JPEG - 16.1 ko
Cliquer pour voir l’affiche en grand

La dissidence étant considérée comme une maladie mentale dans l’URSS de Brejnev, le mathématicien soviétique dissident Léonide Pliouchtch fut interné pendant quatre dans des « hôpitaux » psychiatriques où il reçut des doses massives de médicaments menaçant sa vie même.

Une campagne internationale pour sa libération se développa sur l’initiative du Comité des mathématiciens, animé notamment par Henri Cartan, Laurent Schwartz et Michel Broué.

Pourtant, au mois de septembre 1975, l’attention, dans les organisations syndicales attachées à la défense des libertés comme dans la gauche politique, est focalisée sur la situation en Espagne, marqué par les procès devant des juridictions militaires qui ont conduit à l’exécution de trois militants du FRAP et de deux membres de l’ETA, malgré une campagne internationale active — et le souvenir de l’exécution au garrot, en 1974, de l’anarchiste Puig Antig.

C’est dans ce contexte que se développait pourtant l’action résolue du Comité international des mathématiciens pour la libération de Léonide Pliouchtch et d’autres contestataires d’union soviétique internés notamment dans des « hôpitaux psychiatriques spéciaux ». Le contact s’établit sans difficulté entre le Comité des mathématiciens et la FEN. Les acteurs en furent, côté fédéral, Louis Astre et les animateurs du Comité : Henri Cartan, Laurent Schwartz et Michel Broué [1],

C’est donc sans la moindre réserve que la FEN appuya de toute sa force cette initiative, en cohérence avec sa tradition historique d’engagements tous azimuts [2]. La Fédération de l’Éducation nationale (aujourd’hui UNSA Éducation) s’impliqua donc fortement jusqu’à la libération de Pliouchtch et son exil en France en 1976, notamment à l’occasion du meeting du 23 octobre 1975 où Louis Astre, au nom de la FEN, dénonçait l’absence des « deux chaises vides » du PC et de la CGT qui tenaient un meeting « libertés » (mais pas pour Pliouchtch) au même moment à la porte de Versailles.

Pliouchtch libéré accepta, en refusant toutes les autres offres, la prise en charge offerte pour deux ans, pour lui et sa famille, par le Syndicat national des instituteurs, principal syndicat de la FEN qu’animait André Ouliac [3], tandis que la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) assumait sa prise en charge sanitaire indispensable après les « traitements médicaux » intensifs qui avaient mis en danger sa vie même [4].

Pliouchtch tint une conférence de presse le 3 février 1976 à la maison de la Mutualité, à Paris. Le 10 février, il fut accueilli par le congrès de la FEN réuni à Grenoble [5].

Louis Astre, à l’époque secrétaire national de la FEN chargé des droits et libertés, a bien voulu nous communiquer une note revenant sur ces évènements que l’on trouvera en pièce jointe. On trouvera ensuite la réaction qu’elle a inspirée à André Henry, ancien secrétaire général de la FEN et quelques extraits de la presse fédérale de l’époque (concernant le SNI, voir cette page spécifique du dossier).

PDF - 557.9 ko
Adieu Pliouchtch ! (par Louis Astre, 2015)

Courriel de Louis Astre à Luc Bentz,
secrétaire général du Centre Henri-Aigueperse / UNSA Éducation

Mon cher Luc

JPEG - 43.6 ko
Meeting de 1975 (Astre est le 2e à gauche devant le portrait de Pliouchtch).

Je viens de publier sur mon blog (de Médiapart, librement consultable, une note sur le décès du mathématicien communiste contestataire Léonid Pliouchtch. Cette note évoque l’action mondiale menée contre l’oppression soviétique pour sa libération par le Comité des mathématiciens, avec en 1975 l’actif concours de la FEN.

Sa libération, suite au grand meeting international de la Mutualité le 23 Octobre 1975, fut arrachée le 10 janvier 1976 puis sa prise en charge matérielle et sanitaire assurée en France, par la MGEN, le SNI et la FEN qui le reçut le 10 février 1976 en son congrès de Grenoble.

Cette note n’est sans doute pas dénuée d’intérêt pour l’UNSA Éducation. Je te la communique donc pour que tu en fasses librement le meilleur usage.

Bien cordialement à toi,
Louis Astre


Un commentaire d’André Henry

Ce message me touche. Je me souviens des tractations engagées, fin 1975 et début 1976, pour que Leonid Plioutch accepte de faire au Congrès de la FEN , à Grenoble, sa première intervention publique, après sa libération. Pour la circonstance, et tout en gardant le secret, j’avais demandé à Denis Forestier [6] de présider la séance, cet après-midi là. Ce fut pour tout le Congrès, un moment que beaucoup ont qualifié d’historique. Souvenir, souvenir et fierté.

André HENRY,
Secrétaire général de la FEN
(1974-1981)


Et dans les archives de la Fédération :
PDF - 746.7 ko
« Enseignement public » (nov. 1975) : Pliouchtch (article d’Astre)
PDF - 529 ko
« Enseignement public » (fév. 1976).
Une photo mentionne Denis Forestier, président de la MGEN,
ancien secrétaire général du Syndicat national des instituteurs (SNI)
PDF - 711.5 ko
Motion-libertes_congres-fen-1976_extraits
Une photo mentionne André Ouliac,
qui venait de quitter le secrétariat général du SNI.

P.-S.

Voir aussi :


Documents joints


Notes

[1Michel Broué et Louis Astre nouèrent à cette occasion des relations d’amitié extrêmement fortes jusqu’à ce jour.

[2Voir : André Henry, Conquérir l’avenir, éd. CIEM, Paris, 1992, p. 341 et suivantes.

[3André Ouliac passa le relais du secrétariat général du SNI à Guy Georges en février 1976. Selon son témoignage direct, c’est Michel Germain, officiellement entrant au Bureau national du SNI comme trésorier général, qui s’occupa intégralement de l’installation matérielle et de la prise en charge de Leonide Pliouchtch et de sa famille.

[4Le président de l’époque de la MGEN, Denis Forestier, avait été secrétaire général du SNI de 1954 à 1962. C’est lui qui avait notamment prononcé le discours de condamnation du « coup de Budapest » et de la répression de la révolte hongroise réprimée par les chars soviétiques, lors du congrès de la FEN de novemblre 1956. Noter également que Pierre Chevalier achevait au moment de la libération de Pliouchtch son dernier mandat comme secrétaire national du SNI avant de rejoindre à plein temps la MGEN dont il était vice-président depuis 1973 et dont il devait prendre la présidence un an plus tard).

[5Étaient également présents des représentants de la fédération des enseignants espagnols de l’UGT clandestine (FETE), de la Centrale unitaire des travailleurs du Chili (CUT) en exil[[Voir notamment l’Enseignement public du 27 février 1976, p. 10, et le supplément qui rend compte de manière plus détaillée du congrès.

[6Ancien secrétaire général du SNI, alors président de la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (MGEN).

| Plan du site | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0 | Haut de page | SPIP | ScolaSPIP

Centre Henri-Aigueperse
UNSA Éducation (UNSA Éducation)
Directeur de publication : Frédéric Marchand