Les gauches et l’éducation :
entretien avec Ismaël Ferhat

Un colloque sur le thème « Les Gauches et l’éducation, programmes, politiques éducatives, débats (1918-2013) » s’est tenu les 1er et 2 décembre à Amiens. Des historiens spécialistes de l’histoire des gauches et de l’histoire de l’éducation ont abordé le sujet sous différents angles, et plusieurs témoins ont également participé aux débats. Nous avons demandé à l’historien Ismaël Ferhat*, enseignant-chercheur à l’Espé d’Amiens et organisateur de ce colloque, de présenter les enjeux des thèmes abordés durant ces deux jours. Un compte-rendu du colloque sera publié prochainement sur le site du Centre fédéral.

Propos recueillis par Benoît KERMOAL

« Les gauches et l’éducation, 1918-2013 » : pourquoi avoir choisi de faire un colloque sur ce sujet ?

Nous étions plusieurs membres du laboratoire CAREF (Université de Picardie) à travailler régulièrement sur les partis de gauche, mais aussi sur l’éducation. Nous avons été frappés de retrouver régulièrement l’idée selon laquelle l’école était « la priorité » des gauches. Concrètement, qu’y-avait-il derrière cette priorité ? Comment était-elle développée dans les programmes, les politiques éducatives et les débats de ces forces politiques ? Ces interrogations ont mené à l’organisation et à la structure de ce colloque.

La gauche et l’éducation, ce sont les partis politiques, mais aussi les syndicats. Peut-on retenir des grandes lignes de force de l’action syndicale dans ce domaine ?

Question difficile, tant le syndicalisme français est à la fois parfois caricaturé et foncièrement hétérogène. Il y a bien entendu une différence entre les confédérations syndicales, pour qui l’École et ses agents sont un aspect uniquement de leur base, et les fédérations de personnels éducatifs qui en font un aspect crucial. Cependant, même entre les confédérations syndicales, il y a d’énormes différences programmatiques en matière d’Éducation nationale. FO et la CFDT par exemple ont une vision diamétralement opposée de ce que doit être l’École publique. Les forces syndicales reflètent non seulement la diversité idéologique des personnels éducatifs, mais aussi celle de la société française elle-même dans son rapport souvent passionné à l’École.

Quel regard l’historien peut-il porter sur cette question des gauches et de l’éducation aujourd’hui ?

La tenue de ce colloque doit beaucoup à une récente concordance des temps, pour reprendre l’expression de l’historien Jean-Noël Jeanneney. En 2015, la contestation contre la réforme du collège a eu lieu quarante ans tout juste après la mobilisation contre la loi Haby, qui créait ce qui allait devenir le « collège unique ». Des lignes de clivage ont traversé les gauches dans les deux cas, aussi bien d’un point de vue syndical, politique qu’associatif. Comme l’économie, les relations internationales, le rapport à l’Etat, la laïcité, les forces de gauche sont profondément divisées sur et par l’école. En faire une priorité ne signifie pas qu’elle soit source de consensus en effet.

* Ismaël Ferhat est historien, maître de conférences à l’Espé d’Amiens- université de Picardie. Agrégé d’histoire, il a soutenu une thèse en 2013 ayant pour titre « Socialistes et enseignants. Le Parti Socialiste et la Fédération de l’Éducation nationale de 1971 à 1992 » (IEP Paris 2013, dir. Marc Lazar). Agrégé d’histoire, il est membre du comité de rédaction de la revue « Carrefours de l’Éducation ». Il est membre du Conseil d’orientation du Centre Henri-Aigueperse/UNSA Éducation

• « Le syndical et le politique. Le Parti socialiste et le syndicalisme enseignant, 1971-1993 », in Histoire@Politique, n°13, février 2011.
• « La Rose et l’École. Quel projet scolaire pour le PS (1971-2002) ? », note de la Fondation Jean-Jaurès, novembre 2011, https://jean-jaures.org/nos-product....