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L’utilité sociale de la dépense publique (2016)

mercredi 21 décembre 2016 par Luc Bentz

L’utilité sociale de la dépense publique est une recherche réalisée pour l’UNSA Éducation, dans le cadre de l’agence d’objectifs de l’IRES, par une équipe dirigée par Philippe Batifoulier, actuellement professeur à l’université Paris XIII-Villetaneuse.

La recherche a été menée dans le cadre d’une convention avec le laboratoire EconomiX (CNRS/université Paris Ouest-Nanterre-La Défense). Vous pouvez télécharger :

Ces deux documents sont également téléchargeables depuis le site de l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales).

 L’essentiel

La dépense publique est dénigrée, comme le montre d’ailleurs l’utilisation même du mot « dépense ». Certains arguments comme les 57% de la dépense publique dans le produit intérieur brut ou PIB sont repris en boucle sans qu’on examine plus avant le fait que la dépense publique comme la dépense privée ne sont des composantes du PIB. Le PIB ne calcule en effet que les consommations « finales » et non intermédiaires... et la dépense privée représente deux fois et demi ce même PIB !

« Parce qu’elle est directement connectée aux besoins prioritaires de la population, la dépense publique est constitutive du bien être individuel et collectif, et concourt à la cohésion sociale » démontre le rapport de l’équipe dirigée par Philippe Batifoulier.

En s’appuyant sur les deux exemples que sont la santé et l’enseignement supérieur, il établit comment la baisse de la dépense publique, qui conduit (c’est l’objectif recherché) à inciter ou contraindre les individus à se tourner vers le secteur privé, aboutit par des mécanismes différents à une paradoxale hausse de la dépense publique que l’on cherche pourtant à réduire.

Remplacer la dépense publique par la dépense privée est à la fois plus inégalitaire — les effets d’éviction sont accrus — et plus coûteux, aussi bien pour la dépense et la dette privée (1200 milliards de $ de dette étudiante aux USA... où l’on envisage désormais une « consolidation » par l’État fédéral ou les États) que pour la dépense publique.

Derrière le « bon sens naturel », la réflexion désenchantée à laquelle nous invite, le rapport présente le mérite essentiel de nous inviter à questionner les idées dominantes en remettant en cause les illusions de ce qu’on voudrait nous imposer comme des évidences.

En des temps où la Fonction publique est présentée trop souvent comme la variable d’ajustement de la dépense publique et où on lui promet des lendemains qui déchantent, le rapport Batifoulier est... d’utilité publique.

Luc BENTZ

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Présentation du rapport final à l’UNSA Éducation par l’équipe de recherche. De gauche à droite : Philippe Batifoulier (Paris XIII), Denis Abécassis (Paris X Nanterre), Victor Duchesne (CEPN)..

 La synthèse du travail par l’équipe de recherche

La dépense publique est dénigrée. Le débat public l’assimile à des mots comme « dette », « déficit », « gabegie », « trou (de la Sécu) », « fraude », etc.. On cherche à convaincre qu’il n’est pas d’autre orientation politique que de la réduire.

Cette conception s’est naturalisée et appelle des politiques restrictives. Elle s’appuie sur des chiffres qui forgent un consensus médiatique. Pourtant, il n’existe aucun consensus scientifique pour affirmer qu’un niveau de 57 % du PIB de dépense publique en France serait trop.
On laisse entendre, ce qui est faux, que la dépense publique goberait 57 % du PIB, ne laissant que 43 % à la dépense privée (qui en représente en réalité 265 %). Le comptage par rapport au PIB relève d’une convention statistique qui oriente l’opinion car ni la dépense publique ni la dépense privée ne sont des composantes du PIB.
L’affirmation que « La dépense publique en France ne cesse d’augmenter » est inexacte, elle baisse à certaines périodes (1995-2007), mais augmente à d’autres (après la crise des subprimes).

La critique de la dépense publique est ancienne (voir les débats de 1949 sur la Sécurité sociale), avec les mêmes arguments échangés depuis cette période. Le niveau de dépense publique n’est pas un problème technique mais relève d’un choix de société. Les ménages, qui sont les premiers bénéficiaires de la dépense publique (salaires versés en contrepartie de la production des fonctionnaires, prestations sociales en nature et en espèce, etc.), comme les entreprises, également bénéficiaires de la dépense publique (solvabilisation des ménages, marchés publics, etc.), résistent aux baisses qui leur porte préjudice.
S’il convient de rechercher toutes sources d’économie et de mettre en concurrence la dépense publique et la dépense privée dans des secteurs où la réduction voulue de la dépense publique ne supprime pas les besoins, la baisse arbitraire de certaines dépenses publiques anémie l’activité économique et provoque un appauvrissement collectif et une dégradation du service public. Il en est ainsi de la réduction du nombre de fonctionnaires (policiers, enseignants, ect.), mais aussi des baisses de commandes envers les entreprises, etc.

Parce qu’elle est directement connectée aux besoins prioritaires de la population, la dépense publique est constitutive du bien être individuel et collectif, et concourt à la cohésion sociale. Ainsi, l’évaluation du bien-être non plus par le PIB mais par l’état de santé, critère primordial aux yeux des populations, montre que, pour les pays qui s’y sont soumis, la réduction des dépenses publiques détériore l’état de santé. De même, en alimentant les inégalités, la contraction de la dépense publique joue un rôle négatif sur la santé. La dépense publique produit donc du PIB, et elle produit également de la santé et du bien-être.

En matière de santé comme d’enseignement supérieur, avec des mécanismes différents, la baisse de la dépense publique invite les individus à se tourner vers le secteur privé. C’est le cas de deux secteurs fondamentaux comme la santé et l’éducation qui connaissent une pluralité de processus de privatisations (en termes de financement et de délivrance des biens et services.

Ces privatisations conduisent notamment à une hausse de la dépense publique que l’on cherche pourtant à réduire. Ce paradoxe s’explique par une hausse de la dépense privée plus élevée que la dépense publique qu’elle remplace.
Lorsque la Sécurité sociale se retire, les prix ne sont plus maîtrisés et les frais de gestion des acteurs privés sont bien plus élevés que ceux de la Sécurité sociale.
L’exemple des frais d’inscription à l’université relève de la même logique dispendieuse car l’augmentation des frais d’inscription conduit à une baisse des subventions publiques et à une explosion de la dette étudiante appelant une consolidation par l’argent public (Royaume-Uni, USA,…)..

Remplacer la dépense publique par la dépense privée est à la fois plus inégalitaire — les effets d’éviction sont accrus — et plus coûteux, aussi bien pour la dépense et la dette privée (1200 milliards de $ de dette étudiante aux USA) que pour la dépense publique.

Si toute dépense publique n’est pas bonne en soi, il n’existe pas de motifs sérieux pour baisser la dépense publique lorsque celle-ci répond à un besoin de la population.

 L’équipe de recherche

  • Responsable scientifique : Philippe Batifoulier, professeur des universités (Paris XIII-Villetaneuse, laboratoire CEPN)
  • Denis Abécassis, maître de conférences (Paris-Ouest Nanterre La Défense, laboratoire EconomiX)
  • Nicolas Da Silva, maître de conférences (Paris XIII-Villetaneuse, laboratoire CEPN)
  • Léonard Moulin, chargé de recherches à l’INED (INED, laboratoire CEPN)
  • Victor Duchesne, doctorant (laboratoire CEPN).

Documents joints


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